mardi 30 novembre 2010

Alexandra David-Néel

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Le mardi 25 novembre, les budistes et leurs amis ont bravé le mauvais temps pour venir écouter : Joëlle DESIRE-MARCHAND, docteur en géographie, parler d’une figure originale du XX° siècle :
 
ALEXANDRA DAVID-NEEL,
la femme aux semelles de vent

La conférencière (qui est d’ailleurs native d’Orléans) s’intéresse depuis longtemps à cette grande voyageuse, à qui elle a consacré plusieurs ouvrages — dont Alexandra David-Néel. Vie et voyages (Arthaud - 2009). Nous avons été invités à participer, avec documents photographiques à l’appui, aux fabuleuses pérégrinations en Asie de cette Parisienne (ou presque, puisqu’elle est née le 24 octobre 1868 à Saint Mandé) partie en 1911 pour 18 mois et de retour 14 ans plus tard ! Rien ne prédisposait cette jeune fille née d’une mère belge et d’un père d’origine tourangelle, douée pour la musique et qui choisit pour un temps la carrière d’artiste lyrique à parcourir le monde, si elle n’avait connu, après plusieurs visites au Musée Guimet, la vocation de l’orientalisme. En même temps qu’elle fait ses débuts de journaliste, qu’elle entre dans le cercle d’Elisée Reclus et qu’elle fréquente les milieux contestataires, anarchistes et féministes, elle se passionne pour l’hindouisme et le bouddhisme. La voilà fermement décidée d’aller se former sur place. En 1902, elle a rencontré à Tunis un bel ingénieur français du nom de Philippe Néel qu’elle épouse deux ans plus tard ; celui-ci comprendra très vite que Louise-Eugénie-Alexandrine-Marie n’est point faite pour le mariage ; il lui gardera cependant toute sa vie une indéfectible amitié ainsi qu’un soutien financier appréciable ; et surtout, il conservera pieusement toute sa correspondance.

Nous avons alors suivi toutes les étapes de ce long voyage : en premier lieu un séjour en Inde, une rencontre à Bénarès avec son premier maître, une autre avec le 13° Dalaï-Lama. Après une halte à Calcutta, puis à Darjeeling, elle va découvrir en profondeur le bouddhisme tibétain dans des monastères où n’a pénétré encore aucun étranger (encore moins une femme !) ; après franchi des cols à plus de 5000 mètres, par des chemins muletiers, elle va découvrir aussi la fascination de la haute montagne, un “ensorcellement” qui va durer toute sa vie.

En 1914, elle engage Aphur Yongden qui deviendra son fils adoptif et, en sa compagnie, pendant de longs mois, elle va vivre en ascète recluse dans une caverne. En 1916, elle se rend à Shigatse, au monastère de Tashi-Lhunpo, véritable ville, d’une “somptuosité barbare”, où vivent 4000 moines autour du Panchen Lama, seconde personnalité du bouddhisme tibétain. Mais alors, elle est expulsée du Sikkim et part pour un nouveau périple, par le Japon — qui la déçoit profondément, par la Corée et la Chine ; à Pékin, elle se joint à une caravane, parvient au nord-est du Tibet, au monastère de Kum Bum, où elle passe trois années d'une vie vraiment heureuse. Poursuivant sa marche elle va connaître plus tard le dénuement, la maladie et après d’innombrables difficultés et des étapes épuisantes toujours en compagnie de Yongden, après avoir franchi le Mékong sur un acrobatique “pont de cordes", après avoir abandonné yaks et bagages, elle atteint, déguisée en mendiante, en février 1924 la ville sainte de Lhassa… Enfin !

Elle regagne alors l’Europe, achète une maison à Digne qu’elle appelle “Samten Dzong” et où elle s’installe avec Yongden qui disparaitra en 1955 ; elle accueillera un peu plus tard Marie-Madeleine Peyronnet dite “la Tortue” qui sera sa fidèle secrétaire. Elle y écrira la plupart de ses livres dont certains la font connaître au grand public, en particulier le Voyage d’une Parisienne à Lhassa, sans cesse réédité depuis 1927.

Elle reste cependant animée par le désir profond de reprendre et poursuivre ses recherches sur le bouddhisme tibétain. Aussi en 1937, à 69 ans, elle part pour Pékin — cette fois par le Transsibérien, et en pleine guerre russo-japonaise retourne aux marches du Tibet, puis en Inde. Cette dernière expédition durera jusqu’en 1946 ; entre temps, elle aura appris la mort de son meilleur ami, c’est-à-dire son mari… Elle garde encore la soif de l’aventure  puisqu’à l’âge de cent ans et six mois, elle demandera au Préfet des Basses-Alpes le renouvellement de son passeport… Impérissable Alexandra…

Nous pouvons remercier Joëlle Désiré-Marchand de nous l’avoir fait revivre à la fois dans son quotidien, dans son émerveillement devant l’inconnu et dans sa quête perpétuelle de la spiritualité...

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dimanche 14 novembre 2010

KULTURICA

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Dans le cyberespace — « ensemble de données numérisées constituant un univers d’information et un milieu de communication, lié à l’interconnexion mondiale des ordinateurs », d'après le Petit Robert, le web quoi ! — une petite étoile commence à luire du côté de la galaxie culture : Kulturica, un site dédié à la culture classique.

Le site est de qualité, encore un peu léger mais prometteur… Au programme :

  • musique classique, en commençant par le commencement : Monteverdi, puis Vivaldi et puis c'est tout ! mais c'est de qualité (contenus, esthétique, ergonomie) et la suite semble en préparation (mais on n'est pas encore rendu à Berlioz). Des livrets sont accessibles.

  • beaux-arts, Michelangelo et El Greco pour l'instant et une pinacothèque pas très intéressante pour des raisons ergonomique puisqu'une fenêtre de petite taille s'ouvre, elle reste à cette taille lors du retour au site (Firefox sur Mac), ruinant la disposition précédente…

  • littérature : avec des présentation et même des éditions d'Homère, l'Iliade et l'Odyssée - Les Quatrains d'Omar Khayyam - La Vie est un songe de Calderòn de la Barca - Don Quichotte de Cervantès, rien que du beau monde

  • mathématiques, c'est plus inattendu mais incontestablement classique avec Pythagore et quelques présentations de démonstrations historiques.

  • mythologie grecque, l'une des sections qui semble la plus riche (il reste tout de même de quoi faire).

Un site prometteur, à lire et à approfondir… à relire dans un an lorsqu'il aura été plus copieusement garni…
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vendredi 12 novembre 2010

Virgile 1985

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Durant la nuit de la Toussaint, France Culture a rediffusé deux séquences (initialement proposées en 1985) d'environ quatre heures sur Virgile. Si vous êtes intéressés, vous pouvez les télécharger et les écouter à votre guise.

Virgile (1)

Émission diffusée le samedi 31 août 1985 de 19h15 à 23h55, produite par Jean Thibaudeau et Claude Moatti, et réalisée par Jean Taroni.

Avec des écrivains, notamment Borgès, Moravia, Ponge, Pinget, Edoardo Sanguinetti, Albert Kohn (le traducteur français de La mort de Virgile d'Hermann Broch), des universitaires parmi lesquels Ettore Paratore, Marcello Gigante, et Jean-Pierre Brisson, Pierre Grimal, Alain Michel, Jacques Perret.

I. Introduction. L'aéroport de Rome. Audere in proelia, par Francis Ponge. La vie de Virgile, par Donat. Virgile et son temps, par Jean-Paul Brisson et Pierre Grimal. La IIe Idylle de Théocrite et sa traduction par Chateaubriand. Syrinx, de Debussy.

II. Les Bucoliques. Présentation par Jacques Perret. La première Bucolique dans les traductions de Victor Hugo, Eugène Charrier et Clément Marot, avec Michel Gautier et Michel Chaillou. Le devin du village, de Jean-Jacques Rousseau.

III. La quatrième Eglogue et sa traduction par Victor Hugo. Virgile et le monde chrétien, causerie de T. S. Eliot pour la BBC (1951). La vie de Virgile, par Donat. Myrtho, de Nerval. Trio pour flûte, alto et harpe, de Debussy.

IV. Les Géorgiques. Le début, dans la traduction de Delille. Témoignage de Jacques Lachaud. L'épisode d'Aristé et Orphée, traduit par Victor Hugo. Extrait d'Orphée et Eurydice, de Gluck. Hésiode. Note sur la signature de Virgile.

V. Les trois premiers livres de l'Enéide. Fragments, traduction de Loïs de Masures, Segrais, Delille, Fontanes et Pierre Klossowski. Citations d'Augustin, Racine et Chateaubriand. Les Troyens, de Berlioz. Les dieux dans l'Enéide, par Jean-Paul Brisson.

Entracte avec Jean-Pierre Lefèvre

VI. La mort de Didon. Tragédie en trois actes d'après Segrais, par Christian Rist et les acteurs de Studio classique. Didon et Enée, de Purcell.

VII. Les jeux. Intervention de Richard Connolly. Une page du Virgile travesti, de Scarron. Final d'Orphée aux enfers, d'Offenbach.

Vous pouvez télécharger cette première nuit grâce aux liens suivants :
Virgile par Jean Thibaudeau et Claude Moatti_1 (31.08.85)_1.mp3
http://www.mediafire.com/?kbht5r92poo9b39

Virgile par Jean Thibaudeau et Claude Moatti_1 (31.08.85)_2.mp3
http://www.mediafire.com/?4i0g8akd2xw1sea
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Virgile (2)
Émission diffusée la première fois sur FC le dimanche 1er septembre 1985 de 19h15 à 23h55, produite par Jean Thibaudeau et Claude Moatti, et réalisée par Jacques Taroni.

I. Les Enfers comparés de Homère, Virgile, et Dante, par Edoardo Sanguinetti : traductions de Pierre Klossowski, musique de Purcell, Gluck, Tchaïkovski, Debussy.

II. Hommage à Jean Barraqué. Conclusion de Chant après chant. Témoignage d'André Hodeir. Passage de La mort de Virgile, de Hermann Broch.

III. Trois témoins de la Romania. Entretiens avec Francis Ponge, Alberto Moravia, Jorge Luis Borges.

IV. La guerre et la paix. Introduction du Livre VII de l'Enéide, par Ettore Paratore; dialogue du roman d'Enéas: les boucliers d'Achille et d'Enée.

V. Les combats. Le combat de Tancrède et Clorinde, de monteverdi. Citation de Claudel. Nisus et Euryale (traduction de Victor Hugo). La mort de Camille, par Claude Moatti d'après Jacques Perret. Mort de Turnus (traduction de Pierre Klossowski), avec Alain Michel et Philippe Heuze.

VI. Sur terre et en avion, avec R. Triboulet, G. Athen, M. Chaillou, A. Cuny, F. Gaillard, D. Grandmont, J. Lachaud, J-P. Lefèvre.

VII. Tombeau. Virgile ne voulait pas grandir, par J-P. Bisson. Virgile et le Moyen-Age, par J. Geard. Virgile et Naples, par M. Gigante. Final de La mort de Virgile, par A. Kohn. Virgile et la Renaissance, A. Michel. Portrait, par J. Perret. Apocryphe, par R. Pinget. Le moustique, par E. Sanguinetti. Vie de Donat et de Hugo. La chanson de Silène, La mort de César. Nerval. Delfica, par Julos Beaucarne. Quatrième églogue. Souvenir de voyage d'Alexandre Dumas. Variation en ut majeur K 265, de Mozart. Parker's mood, de Charlie Parker.

Vous pouvez télécharger cette seconde nuit grâce aux liens suivants :

Seconde partie

Virgile par Jean Thibaudeau et Claude Moatti_2 (01.09.85)_1.mp3
http://www.mediafire.com/?grsssqrgnbds79i

Virgile par Jean Thibaudeau et Claude Moatti_2 (01.09.85)_2.mp3
http://www.mediafire.com/?2s1sl5z8w34mjhn 

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J'ai pu réaliser ce billet grâce au travail réalisé par les membres de "A Ne Pas Rater" (ANPR). C'est une liste de diffusion qui vous invite à retrouver des émissions radiophoniques que vous auriez manquées, ou d'en proposer certaines qui vous ont séduits. Ce n'est pas à proprement parler un forum de discussion, mais chacun peut conseiller l'écoute d'une émission remarquable ou annoncer une autre qui lui paraît "à ne pas rater".
L'ANPR, c'est par là. (avec un compte Yahoo, vous pouvez consulter tous les messages reçus par cette liste depuis 1999)
Pour vous inscrire, un simple courriel "sans objet" à anpr-subscribe@yahoogroupes.fr suffit !

Une présentation de ANPR grâce à Nessie sur le "Forum d'auditeurs de France Culture", c'est par là.
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mercredi 3 novembre 2010

Sortie littéraire du 5 juin 2010 : Trois thébaïdes dans les Yvelines

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50 Budistes avaient répondu à l’appel de leur section pour une journée articulée autour du fameux Désert de Retz, enfin visitable pour les groupes après des décennies de fermeture et de dégradation. Un autre désert, celui de la Grâce, Port-Royal des Champs, s’imposait en contrepoint du précédent tandis que les fabriques de Groussay toute récentes faisaient rappel de celles de Retz. Un beau programme préparé et animé par Jean Nivet.

Le bémol est venu de l’attribution par Dunois d’un car de ramassage scolaire dépourvu de micro, ce qui a privé les participants des lectures habituelles faites par Geneviève Dadou et Marie-Hélène Viviani et des commentaires géographiques in situ. En compensation, un beau soleil nous a généreusement accompagnés tout au long du parcours.


Les Vaux-de-Cernay, à proximité du Restaurant « Chez Léopold », nous retenaient quelques moments, le temps de parler du Hurepoix, constitué de morceaux de Beauce, d’espaces forestiers, de vallées profondes et parfois marécageuses et d’évoquer, à travers Marcelle Tynaire, et son roman « La Rebelle », le rendez-vous traditionnel des artistes en ces lieux frais et verdoyants. Un coup d’œil au château de Dampierre, une montée laborieuse des « 17 tournants » derrière des cyclistes à bout de souffle, et nous voilà aux Granges de Port-Royal d’où nous dominons le site de l’abbaye rasée en 1709 et la vallée du Rhodon.

Face à cette vue superbe et à l’ombre d’un chêne, Jean Nivet qui a dû jusque là réfréner ses commentaires, rattrape le temps perdu en rappelant l’histoire de mère Angélique, des Messieurs de Port-Royal, des Jansénistes et de la persécution finale de Louis XIV tandis que nos lectrices jalonnent ce récit de maints beaux textes. Les Petites Écoles, transformées en musée, sont encore pleines du souvenir de Racine et de ses illustres professeurs ; les peintures de Philippe de Champaigne y présentent les principaux Solitaires. Dans la cour de la ferme attenante, trône le fameux puits de Pascal dont le treuil est calculé pour remonter de 60m sans fatigue un seau de plus de 100 litres.

Le Relais de Voisins (le Bretonneux) est là tout proche pour répondre, et bien répondre, à l’appel des estomacs avant que nous rejoignions ce qui doit être le « must » de la journée, le Désert de Retz sur la commune de Chambourcy, en bordure de la forêt de Marly. Au bout d’une longue route étroite en impasse, une grille cadenassée nous est ouverte par le président des Amis de Retz, personne fort diserte qui, sous les frondaisons, évoque l’histoire du lieu. Édifié au XVIII° siècle, par un hédoniste, François de Monville, qui y habitait une colonne tronquée, et devenu fort célèbre par sa vingtaine de fabriques à la mode du jour, Retz passa tout au long du XIX° et jusqu’après la seconde guerre mondiale, de main en main jusqu’à son rachat récent par la municipalité de Chambourcy qui s’engagea à le réhabiliter. En effet, sans entretien, le parc était devenu une jungle et les fabriques étaient, pour la plupart gravement dégradées, voire détruites. La situation a été redressée en partie. Le parc a retrouvé le charme de ses grands arbres dont l’ombre était la bienvenue sous la forte chaleur. Mais les fabriques subsistantes, comme la colonne tronquée ou la tente tartare, ont plutôt déçu les excursionnistes que le mystère entretenu autour de Retz, avait appâtés.


Heureusement, le château de Groussay, aux lisières de Montfort-l’Amaury, nous présentait un parc avec des fabriques quasi neuves, réalisées dans les années 50 par un richissime dandy, Charles de Beistegui, qui recevait le Tout- Paris dans des fêtes mémorables ou pour des spectacles dans un petit théâtre à l’italienne, reconstitué lui aussi. Après sa mort et la dispersion des œuvres d’art, le domaine est racheté par un producteur de télévision et ouvert au public. Ainsi avons-nous pu nous promener, après être passés par un beau potager, parmi ces fabriques : la tente mongole (inspirée de la tente tartare de Retz), le pont vénitien, le cénotaphe romain, la pagode chinoise, celle-ci fraîchement restaurée au milieu d’un étang. Pour terminer par le délicieux théâtre où un Budiste de talent déclama des vers pour en tester l’acoustique.

Il fallait bien s’arracher à la beauté des lieux et à la douceur de l’atmosphère pour retrouver nos pénates orléanaises, dans le soir déclinant.
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Billet sur le même sujet avec des enregistrements sonores et des photos.
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