mardi 18 janvier 2011

De l'origine de la vie à la vie dans l'univers par André BRACK

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Le jeudi 13 janvier, nous avons accueilli
M. André BRACK
Directeur de recherches honoraire au Centre de biophysique
moléculaire du CNRS et spécialiste d'astrobiologie
venu parler de:
De l'origine de la vie à la vie dans l'univers

Dans sa présentation, le Président Alain Malissard a attiré l'attention sur le caractère exceptionnel de la conférence : « C'est une première pour notre section Budé que de recevoir un éminent scientifique, qui a été membre de la mission Mars Express, qui s'est donné pour tâche essentielle de rechercher partout la vie. » Et de rappeler que M. Brack a écrit sur ce sujet de nombreux ouvrages, entre autres La vie dans l'univers entre mythes et réalité, problème déjà soulevé au IIIe siècle avant notre ère par Epicure, et qui s'inscrit de ce fait dans notre tradition budiste. Cela dit, la référence à l'Antiquité pouvait ne pas suffire à rassurer les auditeurs, dans leur ensemble peu accoutumés à pénétrer dans ce milieu inconnu qui porte les noms d'astrobiologie ou d'exobiologie. Disons tout de suite qu'ils ont été captivés par l'enthousiasme du conférencier et par la clarté de son discours - de plus illustré d'étonnantes photographies de ce monde interstellaire - sans parler de ses résonances poétiques, avec, çà et là, une touche d'humour…

Au-delà des interrogations qui nous hantent et qui nourrissent les scénarios de la science-fiction, comme par exemple la présence dans le cosmos d'une vie parallèle à la nôtre, M. Brack a posé deux questions fondamentales : 1) qu'est-ce que la vie ? La réponse (partielle) vient de la chimie : est considéré comme vivant, tout système ouvert (c'est-à-dire qui reçoit et produit de l'énergie et de la matière) capable d'auto-reproduction et d'évolution, 2) quelle est l'origine de cette vie ? Celle-ci serait née il y a environ quatre milliards d'années dans une eau à 50 degrés qui recouvrait notre planète (notons qu'elle avait la bonne taille - plus grosse, elle aurait été essentiellement composée de gaz, plus petite elle n'aurait pas eu d'atmosphère, de plus elle était à la bonne distance de son étoile, pour la chaleur). La vie est très étroitement dépendante de la « chimie du carbone ». Cet élément proviendrait de plusieurs sources, la plus importante étant d'origine extra-terrestre. En effet, certaines météorites (la France en a deux beaux spécimens, à Rochechouart et à Ensisheim) contiennent des molécules de carbone et certains acides aminés présentent une « dissymétrie moléculaire », un des éléments permettant de distinguer le vivant de la matière inerte. Notons que ces météorites « arrivent » sur terre différemment selon leur poids. Les plus grosses (plus d'une tonne) se désintègrent en pénétrant dans l'atmosphère. Celles de l'ordre du kilogramme « passent » bien (plus de 20 000 sont recensées dans les musées de la planète). Et on trouve dans environ 4% d'entre elles des acides aminés. Celles de l'ordre du gramme, par contre, se désagrègent pour former les étoiles filantes. Enfin, les plus minuscules (les « micrométéorites » pesant de l'ordre du milligramme) arrivent au sol avec des acides aminés préservés. On les recueille principalement en Antarctique, mais on en a trouvé dans les échantillons lunaires. On estime qu'en 200 millions d'années, le carbone accumulé aurait pu former une sorte de « marée noire » de 40 m d'épaisseur sur l'ensemble de la surface de la terre. Ces météorites sont, pour la plupart, d'origine cométaire : la sonde européenne Rosetta en rapportera en 2015 d'une comète lointaine, à condition qu'elles supportent le voyage spatial retour.
Sans doute par la simulation de la chimie organique interstellaire, a-t-on réussi à synthétiser 16 acides aminés, lesquels ont été analysés dans les labos du CNRS d'Orléans. Mais pour retrouver la vie, il faut une cellule, avec son ARN, et, à cette étape, « on n'a pas encore réussi », avoue modestement M. Brack. On fait alors appel à la micropaléontologie, qui étudie les sédiments anciens (le plus ancien, au Groenland, date de 3,8 milliards d'années !) ainsi que les microfossiles.
Et, là aussi, les informations sont maigres, et les vestiges de la vie primitive presque tous effacés. Ainsi la recherche s'est à nouveau tournée vers l'espace. Il y a encore de l'eau, sous forme de glace à la surface de Mars, planète à la surface de laquelle les traces d'érosion par l'eau sont évidentes. Il y a même eu un espoir plus grand : la découverte par les américains, dans une météorite d'origine martienne, de structures interprétées comme des nanobactéries martiennes. Malheureusement ce scoop n'a pas résisté à une étude plus approfondie : ces structures ont été produites par les infiltrations d'eau lors du séjour prolongé (plusieurs milliers d'années) de cette météorite à la surface de la terre. Dans l'ensemble, la quête a été peu concluante, que ce soit sur le satellite Europe de Jupiter, sur Titan visité par la sonde Huygens, ou sur Encelade, le satellite de Saturne - qui nous a valu une photo surréaliste d'un geyser de glace.
Faudra-t-il donc aller au-delà du système solaire ?
À ce moment, nous autres pauvres terriens, nous avons éprouvé quelque vertige. Notre guide interplanétaire nous a assuré qu'on a dénombré 519 planètes hors du système solaires (ou exoplanètes), et encore, on ne voit que les plus grosses (qui sont faites de gaz). En 2006 la France a lancé le télescope spatial Corot pour observer les exoplanètes dites « rocheuses », et en 2010 on en a découvert une, 3 à 4 fois plus volumineuse que la Terre, mais pourra-t-on déceler si elle est habitable, c'est-à-dire avec de l'oxygène, du CO2 et de la vapeur d'eau ? La Mission Darwin de l'Agence Spatiale Européenne prévue pour 2020 nous le dira peut-être… Les esprits terre à terre répondront qu'il est inutile de chercher à savoir et qu'il y a bien assez à faire sur notre globe terraqué. Mais c'est certainement Einstein qui, une fois de plus, a raison : il ne faut jamais cesser de poser des questions !
Pendant la discussion qui a suivi, l'esprit flottant encore dans les galaxies, je me suis mis à évoquer la fin du XVIIe siècle, quand la frontière n'existait pas entre lettres et sciences, au temps où notre Fontenelle écrivait ses Entretiens sur la pluralité des mondes et j'ai remarqué que son héroïne, la Marquise de la Mésengère posait exactement les mêmes questions que nous-mêmes aujourd'hui, mais qu'elle n'avait pas eu la chance d'écouter un homme de talent comme André Brack.
P.S. Cette conférence, André Brack l'a dédiée à la mémoire de son collègue et ami Gustave Cornet (appelé familièrement Gus) qui était une figure marquante de notre groupe et que nous aimions tous.


Pour aller plus loin :

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1 commentaire:

  1. Bonjour,

    Vous êtes cordialement invité à visiter mon blog.

    Description : Mon Blog(fermaton.over-blog.com), présente le développement mathématique de la conscience humaine.

    La Page No-11, L'INVARIANCE EXAJOULE !

    LA QUALITÉ DE L'ATMOSPHÈRE ? EST-CE UNE RÉALITÉ ?

    Cordialement

    Clovis Simard

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