samedi 16 avril 2011

Alessandro VALIGNANO S.J. par Sylvie MORISHITA

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Le mardi 9 avril, la section orléanaise de l’Association Guillaume-Budé, dans la série “Ouverture sur le monde”, après la vie dans les étoiles, la vie numérisée, a proposé une incursion dans le Japon à la fin de l’ère féodale par le truchement d’un jésuite italien.
La conférence de Madame Sylvie MORISHITA
Doctorante à l’Ecole de Théologie de Strasbourg
avait pour sujet :
Alessandro VALIGNANO, S.J. un humaniste italien
dans le Japon du XVI° siècle
C’était à notre vice-présidente Geneviève DADOU que revenait l’honneur de présenter la conférencière, devenue pour elle une amie depuis leur participation commune à Radio R.C.F. Celle-ci, originaire de Nantes, a rencontré à la Faculté Catholique d’Angers un jeune étudiant venu de l’Empire du Soleil levant qu’elle a épousé, s’est mise aussitôt à l’apprentissage de la langue japonaise et a entrepris une thèse sur les missions catholiques au Japon au cours des XVIe et XVIIe siècles.

Avant de faire le portrait de Valignano, qui joua un rôle très important et qui reste encore méconnu, alors que son disciple Matteo Ricci, évangélisateur de la Chine, a été l’objet l’an dernier d’une célébration officielle en France comme en Italie, Sylvie Morishita a tenu à situer le contexte historique du Japon du XVI° siècle. Au cours de cette période tumultueuse, le clan des guerriers - des seigneurs féodaux ou “daïmio” ne respectait plus le pouvoir du “Shogoun” (le chef militaire à qui l’Empereur délègue en réalité son autorité). C’est dans ce climat troublé que le Japon est entré en contact avec l’Occident : les “Barbares du Sud”, c’est-à-dire les Portugais (par opposition aux Hollandais surnommés les “poils rouges”) grands navigateurs venus par le Cap de Bonne-espérance, après avoir fait halte dans leurs comptoirs de Goa, Malacca et Macao ont abordé à l’ïle de Kiû-Shû pour des raisons commerciales. Chacun se souvient des Conquérants de Hérédia et du “fabuleux métal que Cipango mûrit dans ses mines lointaines”, mais ignore que le métal en question était l’argent, qui représentait alors à peu près le tiers de la production mondiale. La ville de Nagasaki a été fondée pour les besoins du négoce entre Portugais et Japonais par l’intermédiaire des Jésuites : elle sera à l’époque en quelque sorte à la fois un port international et une cité chrétienne. Notre conférencière insiste sur le rôle de la Compagnie de Jésus, laquelle travaille dans l’orbite du “patronage” portugais, où le roi représente la refondation de la religion, mais contrôle les finances — le spirituel et le politique étant toujours mêlés ; elle a participé à ce fructueux commerce, en principe interdit. Valignano fut justement un des premiers à le soutenir ; il s’opposera plus tard à la venue des Ordres mendiants déjà installés aux Philippines, ayant suivi, depuis Acapulco au Mexique la fameuse “route du galion de Manille” ouverte par le frère augustinien Andrès Urdaneta. Il essaiera même d’obtenir, en vain, une interdiction papale. Ces ordres vont alors proliférer, se quereller entre eux ; il en résultera des persécutions dès la fin du XVIe, et finalement, en 1639 tous les missionnaires seront expulsés.



À la suite de cette mise au point fort utile, Mme Morishita s’est attachée à cerner la personnalité originale de Valignano. Cet italien, né en 1539 à Chieti dans les Abruzzes, c’est-à-dire dans le Royaume de Naples, étudiant à l’Université de Padoue, fut admis chez les Jésuites en 1566, ordonné prêtre en 1570 ; dès 1573, il est nommé “visiteur des missions en Inde et Extrême-Orient” — charge très importante — et s’embarque pour Goa avec 41 Jésuites qu’il a recrutés lui-même. Après Malacca et Macao, il atteint Nagasaki en 1579 pour son premier séjour (il en fera deux autres). En 1592, il repart à Macao où il fonde le Collège St Paul, centre de formation des missionnaires en Asie et y meurt en 1606.

Pour apprécier l’œuvre de notre Jésuite, nous possédons un document essentiel, écrit en castillan, le “Sumario de las cosas del Japon” ou Inventaire des choses du Japon paru en 1583. Il y note, entre autres, la “grande patience et la grande endurance dans l’adversité“ ainsi que le haut niveau intellectuel des Japonais. Au nom de l’acculturation, il demande que les missionnaires s’adaptent au pays étranger (et non le contraire !) ; il explique la nécessité de former un clergé local et pense même qu’on peut admettre des Nippons dans la Société de Jésus ! Il a organisé des écoles de deux niveaux : le “seminario” (où l’on apprend le japonais et le latin), le “collegio” : un enseignement supérieur avec cursus des humanités européennes et japonaises. Dans son désir de rapprochement entre l’Orient et l’Occident, il a organisé la première ambassade japonaise en Europe (qui dura de 1582 à 1590) : quatre jeunes vont faire la connaissance de la culture chrétienne et des nations européennes tout en montrant le rôle bénéfique des missions (avec en plus, l’obligation de rapporter d’Anvers une presse d’imprimerie). Ce détail va nous conduire à un chapitre non négligeable du travail des Jésuites au Japon — sur lequel on ne peut s’étendre — ce sont leurs publications nombreuses et variées comme les œuvres de Cicéron, les traités de théologie, les dictionnaires, les livres de piété (le “best seller” étant L’Imitation de notre Seigneur sous le titre Comptentus mundi). Le premier livre sorti au Japon de la fameuse presse, installée dans le village de Katsuza, était une “Vie des Saints”, avec une gravure sur cuivre, copie d’un original imprimé à Anvers par Christophe Plantin (originaire de Montlouis !) Bel exemple de mondialisation... au XVIe siècle! Et c’est bien à Valignano — qui a jeté un pont entre l’Orient et l’Occident — que nous devons cet échange pacifique. 

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