mardi 29 mai 2012

Le Mythe de Salomé ou les rêves d'Orient

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Jeudi 10 mai, dans un lieu inhabituel : la Salle du Kid au Carré Saint-Vincent — avant la représentation de la pièce d’Oscar Wilde au Théâtre dans une mise en scène de Jérémie Le Louet, présentée par l’ATAO :

Yasmin  HOFFMANN professeur d’allemand à l’Université d’Orléans
a prononcé une conférence sur:
LE MYTHE DE SALOME OU LES RÊVES D’ORIENT

D’emblée, le public  s’est imprégné du climat intellectuel qui régnait à la fin du XIX° siècle à Londres — et de là dans une grande partie de l’Europe — hostile à la vulgarité bourgeoise et au progrès industriel, recherchant les frissons, les séductions de la volupté et de l’érotisme dans une Antiquité exotique comme remède à l’ennui. D’où la floraison de ces deux créatures d’un Orient à la fois sacralisé et reconstitué, Hérodiade (la mère) et Salomé (la fille) souvent confondues dès les temps anciens, puisque cette confusion remonte au récit de Saint Isidore de Péluse, un moine du V° siècle.

Dans la pièce d’Oscar Wilde, écrite à Paris en 1893 et en français (l’auteur rédigea l’année suivante une version en anglais), Salomé, personnage-clef,  apparaît comme une synthèse de toute une tradition picturale et des créations contemporaines de l’époque, mais surtout elle incarne la femme fatale, lascive et ensorceleuse, dont la “danse des sept voiles” — imaginée par notre génial dandy (et que Flaubert avait entrevu sur un  tympan de la cathédrale de Rouen) — a suscité de nombreux fantasmes, au point de devenir le type même du ”mythe qui ne pouvait que ravir la bonne société européenne.” Salomé a tourné la tête de son beau-père, Hérode Antipas, tétrarque de Galilée, personnage veule, réduit à “une marionnette qui a peur des rumeurs, peur des Romains, peur de son ombre, peur des ombres et peur des fantômes — ceux des Innocents que son père a fait massacrer.”

Cela dit, Oscar Wilde  s’attache surtout au caractère scandaleux de la fille d’Hérodiade, toute à la manifestation de son désir et de sa jouissance , dont le paroxysme est atteint dans la scène où elle baise la bouche de Jean-Baptiste décapité et sanguinolent. Y. Hoffmann nous a lu cette scène à peine soutenable, mais transfigurée par un bel élan lyrique, où Salomé crie à la fois sa vengeance de princesse dédaignée, son amour et son désir: “j’ai baisé ta bouche, Ioakanann et  sur tes lèvres j’ai senti l’âcre saveur de l’amour.” Une telle jouissance solitaire relève d’une démesure inacceptable qui ne peut trouver son accomplissement que dans la mort…

Y. Hoffmann attire ensuite notre attention sur l’importance du regard dans cette tragédie, en rapport avec le dispositif scénique : la grande terrasse du palais d’Hérode, avec d’un côté une ouverture sur la salle du banquet , de l’autre une échappée sur la citadelle, offre un double éclairage sur Salomé. A l’extérieur, celle-ci est vue par le jeune capitaine des gardes (appelé Narraboth  dans le drame lyrique que Richard Strauss adapta en 1905 de la pièce d’Oscar Wilde — et dont nous avons entendu un magnifique extrait) à la fois comme idéalisée et désirée, tandis qu’à l’intérieur, elle est “déshabillée par le regard concupiscent d’Hérode” et devient en quelque sorte “un corps réduit au regard”. On peut dire que l’action dramatique progresse sous les effets produits par les différents regards, et, dans ce jeu de miroirs déformants, “dans cette ronde de craintes et de désirs qui font tourner les personnages en rond autour d’eux-mêmes, la pièce avance, inexorablement, vers son destin”. 

Comme il m’est difficile de rendre la richesse et la profondeur de l’analyse de la dernière partie de la conférence, je me contenterai, en guise de conclusion, de laisser la parole à Y. Hoffmann :
“La Salomé d’Oscar Wilde est une héroïne de l’aube du XX°siècle, comme la Loulou de Pabst ou la Mélisande de Maeterlinck.. Elle a cristallisé tous les thèmes qui ont servi d’exutoire à la bonne société désireuse d’échapper à l’ordre moral : le goût du pouvoir, la jouissance, la cruauté, le jeu, le désir morbide ou le couple : Éros / Thanatos…
C’est un continent noir auquel le monde européen s’éveille, entre Paris, Londres et Vienne…” 
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mardi 8 mai 2012

Deux orléanais du XVIe siècle admirateurs de l'Italie, Germain Audebert et son fils Nicolas

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Même s'ils ont donné son nom à une "allée" du quartier gare, les Orléanais ont bien oublié ce GERMAIN AUDEBERT qui fut, au XVIe siècle, un modeste "président en l'Election d'Orléans", mais qui a pu accéder aux plus grands honneurs parce que, ayant séjourné pendant dix ans en Italie, il avait fait passer son amour pour ce pays dans des poèmes en latin célébrant les quatre grandes villes italiennes. Et la qualité littéraire de ces poèmes lui a valu de figurer, au siècle suivant, parmi "les hommes illustres qui ont fleuri dans la profession des lettres".

Quant à son fils NICOLAS AUDEBERT, qui a parcouru l'Italie dans les années 1574-1577, il en a rapporté un Journal de voyage qui vaut bien celui de Montaigne, ainsi qu'une masse d'Observations que le grand géographe du XVIIe siècle Pierre Duval a cru utile de publier à la suite de son propre ouvrage sur l'Italie.

Ces deux Orléanais seront évoqués, dans le cadre des conférences de l'ACORFI, par Jean NIVETprofesseur de Lettres, vice-président de la section orléanaise Guillaume-Budé, mardi prochain 15 mai 2012 à la Maison des associations d'Orléans (18 heures - salle Érasme).
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