mercredi 20 février 2013

Les Français dans l'imaginaire allemand


Le jeudi 7 février le public était venu en nombre, sans doute curieux de connaître l’image réelle ou supposée que nous Français, nous laissons dans l’esprit de nos voisins allemands. Le conférencier était Karl-Heinz GOETZE, essayiste et journaliste allemand, en même temps professeur à l’Université de Provence. Dans sa présentation, Alain MALISSARD a rappelé qu’il avait écrit plusieurs ouvrages sur la France, dont le dernier : “Sûsses Frankreich” (douce France) a connu un grand succès  et qu’il était également un grand connaisseur de notre cuisine et de notre gastronomie, ce qui l’a rendu tout de suite sympathique.


M. GOETZE a évoqué d’abord l’inquiétude récente des Allemands et qui se traduit notamment dans la presse au sujet de l’avenir de notre pays. Le discours est assez pessimiste en effet chez ceux qui résident en France, que M. Götze connaît bien : tout en appréciant notre qualité de vie, ils se demandent si notre pays dont l’économie décline, va “tenir le coup” devant la mondialisation, lui qu’on qualifiait naguère de “grande nation” et qui se réclamait de ses traditions. Ce discours alarmiste tenu à notre égard n’est pas nouveau : il reprend des clichés qui auront la vie dure comme celui du Français frivole ou peu travailleur par rapport à ses voisins du Nord et de l’Est. Ces stéréotypes deviennent même des mythes dès que l’on oublie l’évolution historique GOETZE ; il n’est de ce fait plus question  que d’une “essence”  immuable propre à chaque peuple européen.
M. GOETZE s’est alors demandé quelle était l’origine de ces modèles d’interprétation et dans quelle mesure ils ont changé nos modes de pensée . Dès le XVIe siècle, le lien a été fait entre le climat et le caractère ethnique (d’ailleurs Tacite l’avait déjà noté dans La Germanie). La Cour de Versailles, l’absolutisme royal, le style et la culture de l’aristocratie française ont servi de modèle aux Allemands du XVIII° et ce modèle perdure encore dans leur imaginaire…


À l’inverse, il lui a paru intéressant de considérer comment les Français regardent les Allemands. Dans le passé, la question était sans importance ; au début du XIXe Mme de Staël a fixé une image embellie de l’intellectuel d’outre-Rhin à côté d’un “homo vulgaris” naïf, fruste, voire grossier. Après la guerre de 70, apparaît l’image du Prussien conquérant et hégémonique.  L’Allemagne de Bismarck est devenue un pays évoluéet dangereux ; la perception populaire va opposer pour longtemps à cette nation dynamique, moderne, techniquement efficace, mais peu démocratique à une France en stagnation, plutôt passéiste, mais attachée au bien-être et au luxe. Cet antagonisme a été très bien illustré dans le livre célèbre paru en 1930 de Friedrich Sieburg : Dieu est-il français ?”, livre anti-français, avoue notre conférencier, mais subtilement et même avec une pointe de nostalgie, car Sieburg laisse entendre que notre civilisation “à la Gauloise” est vouée à la disparition” C’est justement ce qui ressort de l’impression des  Allemands qui vivent chez nous : on est bien en France, mais ce n’est peut-être qu’une illusion Après tout, puisque nous échangeons nos imaginaires

À la suite de questions pertinentes posées par des budistes de qualité, en particulier au sujet du livre récent de Guillaume Duval Made in Germany : le modèle allemand au-delà du mythe, nous avons laissé à regret Karl-Heinz GOETZE, en souhaitant d’accueillir encore “beaucoup d’étrangers comme lui, si proches, si lucides, si critiques et si complices…”


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