samedi 31 août 2013

Daniel Cuisiat nous a quittés

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Le bureau de l'association Guillaume-Budé a la tristesse de vous faire part du décès survenu le 22 août de Daniel CUISIAT, professeur honoraire de classes préparatoires au Lycée Pothier, et fidèle membre de notre association depuis son arrivée à Orléans en 1973. Agrégé de Lettres classiques, docteur d'Université, Daniel Cuisiat s'était fait un nom parmi les seizièmistes en publiant en 1998 chez Droz dans la collection Travaux d'humanisme et Renaissance les "Lettres du Cardinal Charles de Lorraine". Il nous avait d'ailleurs présenté ce  personnage hors du commun dans une brillante conférence qui inaugurait la saison 2003/2004. Les collègues, les élèves et tous les budistes gardent le souvenir d'un homme ouvert, accueillant, d'une grande  simplicité.


Notre plus ancien secrétaire, qui le connaissait de longue date, avait tenu, lors de la cérémonie funèbre, à dire ces quelques mots à titre amical : 


Ce n’est pas le collègue, le professeur, l’historien que je veux évoquer devant vous, mais tout simplement l’ami. Et c’est en mon nom personnel que je vais, cher Daniel, te dire adieu ; cependant j’espère que tous ceux qui ont eu la chance de te connaître m’accompagneront dans cet adieu, même si les souvenirs que je voudrais rappeler ont leur part d’intimité.


Cher Daniel, je te connaissais déjà avant de t’avoir rencontré. En effet je suis arrivé au CPR de Dijon juste un an après ton passage, mais je peux dire que tu étais encore très présent. Mon maître de stage, qui fut le tien (je veux nommer Guy Grand, un homme dont la personnalité ne laissait personne indifférent) parlait de toi avec enthousiasme; il avait même en quelque sorte pressenti tes travaux futurs: il ne s’était pas trompé. A Reims, tu as rencontré la figure emblématique du Cardinal Charles de Lorraine auquel tu as consacré ton grand œuvre.


Le hasard — que je préfère appeler la chance — a voulu qu’Orléans soit le lieu où nous avons fait réellement connaissance et où nous avons tissé des liens d’amitié, renforcés par nos rencontres dans une association dont l’emblème est l’oiseau d’Athéna, et qui a su allier la culture antique et l’ouverture au monde. Ensemble, nous avons été conduits à faire (et à refaire) le “pèlerinage aux sources”: en Grèce, en Attique et dans le Péloponnèse, dans les musées d’Athènes comme dans les vieilles rues de Monastiraki, à Pylos et dans le Magne laconien, dans l’ile de Kéa, pour admirer” l’archaïos léôn”, et jusqu’en Crète, et au fond de la Crète, dans une bourgade reculée du Lassithi. Nous garderons longtemps l’image de cette taverne,  où tu as retrouvé une de tes anciennes élèves de la khâgne du Lycée Pothier, tellement conquise-grâce à toi- par la langue d’Homère qu’elle s’était éprise d’un jeune Hellène au profil minoen. Ce fut un moment très émouvant…


Au-delà de cette culture classique qui nous a été inculquée par nos vieux maîtres lors de nos classes d’“humanités” , comme on le disait du temps d’Anatole France, nous avons eu tous les deux un lien profond avec ce qu’on appelle le terroir, c’est-à-dire le paysage, le sol, les produits du sol. Et, sans parler de la vieille alliance entre le Duché de Bourgogne et la Comté (devenue Franche), nous allons trouver des éléments qui nous rapprochent. Mon terroir, c’est la “Côte”— sans épithète, une longue colline vineuse qui s’étire de Dijon à Cluny, et, en son milieu, un finage limité à quelques noms évocateurs. Pour toi, Daniel, le terroir, c’est la Côte du Jura, le Revermont, qui suit à peu près une ligne nord/sud allant de Dôle à Bourg-en-Bresse. Et au milieu de ce Revermont, c’est-à-dire le Revers du Mont, il y a ton village éponyme, joliment situé entre Coligny et Treffort, deux bourgades aux clochers jurassiens en forme de dômes, avec de belles fontaines et quelques vieilles maisons vigneronnes cossues. Le vignoble a disparu depuis longtemps et, pour le retrouver, il faut remonter vers le nord, sur Voiteur et surtout Château-Chalon accroché à sa falaise. J’en parle, mon cher Daniel, parce que c’est un peu le symbole du Jura et surtout parce que tu m’as fait apprécier son vin. Car tu l’aimais comme tu aimais la vie et en ce moment si rempli de gravité et de tristesse, je voudrais que tout le monde garde le souvenir d’un homme vivant, plein de sensibilité, de gaieté et de ferveur.


Aussi je souhaite m’arrêter sur une dernière image, dans un tout autre lieu, que tu aimais également , sous un climat plus ensoleillé : je veux parler de ta thébaïde sur les hauts plateaux du Var, dans un paysage digne des romans de Giono. Nous marchions sur un sentier le long des champs de lavandes , vers le Prieuré de Valmogne et nous parlions… peut-être de Giono justement. Tout ce que je sais, c’est qu’il me reste de ce moment une impression de douceur, de plénitude et en un mot de bonheur. Et ce petit instant intemporel de bonheur, c’est à l’amitié qu’on le doit…


Cher camarade, je pense que tu n’aimerais pas trop les effusions lyriques. Mais, comme je l’avais affirmé il y a bien longtemps : 
“Daniel, tu es encore très présent parmi nous.”


André LINGOIS

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