samedi 24 janvier 2015

Cellules et chambres

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Le jeudi 15 janvier, la section orléanaise de l’Association Guillaume-Budé a reçu Michelle Perrot historienne du travail et des femmes qui nous a présenté une conférence intitulée : 
Cellules et chambres

Nicole Laval-Turpin notre vice-présidente, présente la conférencière, professeure émérite à l’Université Paris VII, en évoquant “le beau parcours de la chercheuse en quête de vies perdues“ à qui le prix Simone de Beauvoir vient d’être décerné. Elle cite ses nombreux ouvrages, dont celui qu’elle a co-dirigé avec George Duby l’Histoire des femmes en Occident et son essai Histoire de chambres qui obtint le prix Femina en 2009.
Pour répondre à la demande de feu notre président Alain Malissard, elle est venue nous parler du thème de l’enfermement, en relation avec la pièce de Jean Genet Splendid’s actuellement jouée au Carré Saint Vincent dans une mise en scène de Arthur Nauzyciel. Situation de brûlante actualité. 

D’abord, la conférencière pose les conditions qui ont donné forme au concept de chambre et de cellule. Elle y voit une réponse au besoin de solitude inhérent à l’être humain. Ainsi serait né cet espèce réservé, ce “tabernacle “, lieu de l’intime et du secret. Avoir une chambre à soi pourrait être la réponse occidentale à la forme du sommeil comme au plaisir de travailler dans un espace restreint. Chacun y passe la moitié de sa vie “ la plus charnelle, la plus assoupie, fenêtre sur l’inconscient “ souligne-t-elle. 
Pour baliser l’histoire de la Chambre, M. Perrot donne quelques repères et s’arrête sur l’étymologie. La cella mot d’origine latine désigne une petite pièce monacale appelée cellule en français. Le mot Chambre vient du grec kamara qui évoque plutôt la chambrée, espace où se tiennent plusieurs hommes réunis dans un lieu commun. Le mot Chambre a pris une double connotation car il nous renvoie tant à un espace réservé qu’à un lieu de confort et de plaisir. 



La cellule, quant à elle, répond à l’esprit conventuel. Espace clos, soumis à un règlement spécifique, à l’encadrement, au carcéral. Sachons que la cellule est liée au christianisme le plus ancien. Il naît en Égypte avec les religieux, cénobites, anachorètes ou ermites qui ont en commun, le désir de solitude et la volonté de fuir la ville, lieu de perdition, pour se retirer dans le désert. Les anachorètes et les cénobites vivaient en communauté dans des cabanes, ancêtres des couvents. Les ermites étaient des solitaires tel Saint Jérôme.
M. Perrot rappelle que le mot désert prit au XVIIe siècle un sens figuré. Les religieux jansénistes parlent de se retirer dans le désert de Port-Royal des Champs, lieu forestier par excellence. La forêt joue alors la même fonction spirituelle que le désert des sables pour les ermites des premiers siècles. Pascal, dans ses Pensées souligne que “le malheur de l’homme vient de pas savoir demeurer seul dans une chambre.”
Dans les ordres monastiques, les moines partagent leur vie entre la cellule, lieu de prière et les espaces conventuels réservés au travail en commun. La cellule favorise le recueillement, le dialogue entre Dieu et soi-même. Nous sommes dans le domaine de l’intériorité. Cet espace cellulaire est donc lié à la longue histoire de la spiritualité jusqu’à la Révolution française.

Avec ce tournant historique, les vocations se raréfiant, les cellules religieuses ferment leurs portes mais leur legs reste important dans l’histoire de notre société. Elles prennent notamment la forme d’une pièce à soi, revendiquée par les écrivains qui aspirent au retrait et au silence, nécessaires à la création littéraire. Des auteurs contemporains tels Dominique Fernandez et Danielle Sallenave voient dans la cellule monacale, le lieu idéal de l’écriture. Quant à Marcel Proust son nom reste inséparable du mot chambre, lieu de l’écriture, et l’un des mots-clés de son univers romanesque. Franz Kafka va même jusqu’à faire une apologie de l’enfermement, nécessaire à son travail d’écrivain, prêt à se terrer dans un cave pour créer l’œuvre qu’il porte en lui. George Sand se retirait dans son petit cabinet de travail quand ses hôtes dormaient. Colette aimait son lit-radeau ancré au cœur de Paris. 
Dans le contexte contemporain, la chambre est toujours vue comme une façon de penser l’intériorité. Si la spiritualité liée au XVIIe parlait de l’âme désireuse de respirer dans la solitude d’une chambre pour y cultiver les bonnes pensées, celle de notre époque aime à se pencher sur le Moi. Freud et la psychanalyse ont développé la recherche sur notre inconscient dans le but de mieux se connaître. Il faut chercher les racines du Moi sans souci de transcendance. Comprendre qui nous sommes est devenu une quête moderne. 

De nos jours, la cellule évoque avant tout la prison, le centre de la pénalité. Son histoire commence avec la Révolution française qui invente la tarification des peines, dans l’esprit d’une justice égale pour tous. Les nouveaux gouvernants ont l’idée que la peine de mort n’est pas bonne et que la prison vaut mieux pour purger les délits et se réhabiliter aux yeux de la société. D’où la nécessité de trouver des centres d’hébergement appropriés. La mise en vente des biens du clergé et leur nationalisation permirent de transformer en prisons, les abbayes, les couvents et les séminaires.
Sous Louis-Philippe, l’évolution des mœurs voit les législateurs se poser de nouvelles questions sur l’enfermement carcéral. Quel régime adopter à l’intérieur d’une prison ? Comment se racheter avant de renouer avec la société ?
En 1832, Alexis de Tocqueville fut mandaté par le gouvernement pour enquêter sur l’univers carcéral américain. Accompagné de Gustave de Beaumont, il passa 9 mois aux États -Unis. Ils publièrent ensuite un rapport intitulé “Du système pénitentiaire aux États-Unis et de son application en France”. Il s’agit d’une réflexion intéressante sur l’enfermement carcéral, nécessaire au bon fonctionnement de la cité.
Ce rapport met en lumière les deux régimes adoptés dans les prisons américaines. L’un des régimes, appelé d’Auburn, exige le maintien des détenus dans l’isolement d’une cellule pendant la nuit. Les détenus doivent se regrouper dans la journée pour accomplir un travail en commun. L’autre régime, dit de Philadelphie, est plus coercitif car il préconise l’isolement total, jour et nuit dans une cellule particulière. Les idées de Tocqueville, devenu propagandiste du régime cellulaire le plus strict, furent très controversées. Notamment par Charles Lucas, pénaliste qui se montra hostile à ce type d’enfermement, persuadé que cette forme d’isolement est néfaste à l’individu et ne peut mener qu’à une conduite asociale. Nous retrouvons la même réticence auprès des médecins de l’époque, conscients que la solitude extrême peut conduire à la folie.
Le régime de la cellule particulière fut alors adopté en France et se révéla très onéreux. On construisit à Paris la petite Roquette panoptique et cellulaire qui s’ouvrit pour y enfermer des enfants dans une sorte de pensionnat éducatif. Expérience peu convaincante qui prit fin avec la rébellion des élèves- prisonniers. Le Second Empire favorisa un autre système puisqu’il choisit la relégation des détenus dans les colonies. Cela coûtait moins cher !
La IIIe République renoua avec l’idée de bonnes prisons sur le territoire. On créa des maisons d’arrêt dont la prison de Fresnes. A la fin du XIXe, les législateurs demandent aux architectes de travailler sur le concept de la chambre modèle avec sanitaires intégrés. Ce fut une protestation générale. Pourquoi une prison serait-elle plus confortable qu’un logis d’ouvrier ?




Aujourd’hui, la criminalité ayant diminué, les Maisons centrales ont adopté le régime des cellules particulières pour les peines de longue durée qui semblent répondre à l’objectif sécuritaire lié à celui de rééducation. 
Ce n’est malheureusement pas le cas des Maisons d’arrêt françaises où la population carcérale tourne aujourd’hui autour de 66000 personnes, confinées dans des cellules de 9 m2 où s’entassent les détenus. Cette situation dramatique évoquée par les éducateurs et les prisonniers représente un des problèmes cruciaux de notre société.


Michelle Perrot revient au statut de la chambre dans la société contemporaine et propose quelques éléments de réponse. De nos jours, nous prenons conscience que cet espace familier revêt une importance grandissante qui touche par exemple au domaine médical. On assiste donc au développement des chambres particulières avec soins à domicile pour vivre son grand âge. Nous constatons aussi la constante régression de mariage traditionnel.C’est pourquoi la chambre nuptiale perd peu à peu son statut d’espace privilégié de la vie conjugale. Elle devient un lieu fugitif qui répond aux liens éphémères des conjoints. Seule reste la chambre des enfants et des adolescents qui tend à revêtir une sorte de “sacralité “, une reconnaissance envers ceux qu’on a désiré mettre au monde. De ce fait, les parents attribuent volontiers à leur enfant un espace préservé, intime, fermé à clef, à la demande. Cet espace clos mais ouvert aux amis, devient alors lieu de plaisir où s’épanouit la personnalité en voie de formation.
Ces réflexions tiennent lieu de conclusion à cette conférence que M Perrot a su rendre vivante et attractive grâce à sa voix claire autant qu’à son talent pédagogique. Les applaudissements nourris et les questions posées à Michelle Perrot ont su traduire l’intérêt qu’a pris un public venu en nombre, sensible aux problèmes de société que la conférencière a voulu mettre en lumière. 

mardi 20 janvier 2015

Le livre a-t-il encore un avenir ?


Le mercredi 13 décembre la section orléanais de l’Association Guillaume Budé a accueilli Odon VALLET, spécialiste de l’histoire des civilisations et des religions, connu du grand public pour son mécénat — la fondation qui porte son nom — et par ses interventions à France Culture, sans parler de ses ouvrages (notamment le récent Dieu et les religions en 101 questions-réponses ). Sa conférence avait pour sujet :

Le livre a-t-il encore un avenir ?

En présentant le conférencier, Jean NIVET s’est demandé si l’on ne pouvait pas appliquer aujourd’hui au livre ce qu’Odon Vallet disait du Créateur dans son essai de 2007 : « Dieu n’est pas mort…mais il est un peu malade. » Le livre, à l’instar de toute religion, n’est-il pas en train d’évoluer, ébranlé par les transformations profondes de notre monde ?



Abordant son propos par le biais de l’histoire, Odon Vallet nous rappelle d’abord que l’écriture dans des temps immémoriaux a été fixée sur des supports divers — comme les tablettes d’argile en Mésopotamie au 3e millénaire de notre ère — une écriture qui ne s’adressait qu’à une frange réduite d’initiés. Dans un second temps, il a mis l’accent sur les rapports de l’écrit avec la religion. Un fait s’impose: il y a un lien indissoluble entre les deux, toute religion s’appuyant sur des textes. Ainsi le bouddhisme repose sur des livres sacrés qui remontent au IVe siècle. En Occident, on ne peut parler véritablement de livre qu’à partir des manuscrits médiévaux des moines copistes. Il faut attendre le développement de l’imprimerie, lié à la propagation de la Réforme, à partir du XVe siècle, pour que l’écrit se répande dans les classes dits « moyennes ». On peut dire qu’il s’agit d’une révolution, puisque le prix du livre est divisé par dix. La suivante aura lieu au XXe siècle avec la diffusion massive du Livre de Poche. La presse religieuse garde une importance prépondérante; il y a même « une forme de connivence entre la religion et le livre. » La Bible est traduite en un millier de langues et restera longtemps l’ouvrage le plus édité de la planète.



Odon Vallet a fait le point sur la situation actuelle du livre dans le monde : il est en expansion — et même de manière impressionnante — dans le continent asiatique ainsi qu’en Amérique latine. Pour ce qui est de la « francophonie », mis à part la France (où la diffusion du livre reste stable, comme la lecture en général, en dépit des esprits chagrins), la Wallonie et le Québec, l’Afrique se défend mal devant la concurrence de l’anglais. Quant à l’avenir, les perspectives sont plutôt pessimistes devant le progrès des techniques nouvelles. En effet l’expérience des tablettes numériques, en particulier aux U.S.A. et au Viet-Nam a été un échec, d’abord à cause de leur prix très élevé, mais surtout à cause de la fatigue oculaire qu’elles provoquent. Cet échec n’est certes pas définitif et le rapport « entre l’écrit et l’écran » va évoluer, sans préjudice pour l’écrit. Se référant à des études menées par sa fondation, Odon Vallet assure qu’en Afrique, dans de nombreux domaines. les livres se renouvellent fréquemment et il constate avec satisfaction que la lecture gagne du terrain, que d’une part les bons élèves sont de fidèles lecteurs et que, de l’autre, le livre est indispensable pour les enseignants — et non seulement le livre, mais aussi des magazines qui dispensent une vulgarisation de qualité. Et de conclure avec optimisme : « oui, le livre a encore beaucoup d’avenir ! »




Parmi les nombreuses questions du public, attentif et toujours en éveil, je n’en retiendrai qu’une, au sujet de la concurrence entre les médias modernes toujours à l’affût de l’actualité ou des idées neuves et le traditionnel livre, Odon Vallet a répondu avec sagesse qu’« une idée, si originale soit-elle, n’acquerra de valeur qu’après avoir subi l’épreuve du temps ». Et d’ajouter, tout à la fin de l’échange, que la supériorité de l’écrit par rapport à l’écran, c’est la garantie d’offrir un rempart à la dispersion de l’esprit et au culte de l’éphémère….


samedi 17 janvier 2015

Penser la guerre, écrire la guerre



Ce 25 novembre, la Section orléanaise de Guillaume BUDE avait organisé une table ronde sur le thème « PENSER LA GUERRE, ECRIRE LA GUERRE ».
Le modérateur en était Lucien GIRAUDO, professeur de Lettres en classes préparatoires aux grandes écoles du lycée Pothier.

Avaient accepté d'y participer :
  • Florence AUBENAS, journaliste au Monde, grand reporter, ancienne otage, attentive à la France précaire, (son dernier livre : En France) ;
  • Georges MALBRUNOT, journaliste au Figaro, grand reporter et spécialiste du Moyen-Orient, ancien otage lui aussi, auteur de Qatar, les secrets du coffre-fort avec Christian Chesnot ;
  • Denis PERNOT, professeur de Littérature à Paris XIII, spécialiste de la littérature de guerre et notamment de Barbusse (présentation d'une réédition du roman Le Feu) ;
  • Eric GERMAIN, spécialiste de l'éthique des nouvelles technologies au Ministère de la Défense, auteur de Les robots au cœur du champ de bataille.

Nicole Laval-Turpin, nouvelle vice présidente de notre association ouvrit cette table ronde en précisant : (…) Vous allez en effet entendre des intervenants de qualité, mais il manquera parmi eux la voix chaleureuse et inspirée de celui qui aurait dû mener les échanges, celui qui avait eu l’idée de cette table ronde : notre président Alain Malissard, disparu voilà peu. Le meilleur hommage à lui rendre était de reprendre le flambeau. Son rayonnement simple, son implication aussi discrète que totale, durant tant d’années, doivent nous montrer comment continuer. Votre présence en nombre atteste que vous êtes dans ce même état d’esprit. Soyez-en remerciés. Et ensemble, dédions-lui cette soirée. (…)

L. GIRAUDO lance le débat  sur la question : « Pour écrire la guerre, il faut d'abord la vivre ».



F. AUBENAS souligne d'emblée les changements intervenus depuis une vingtaine d'années. Avant, le journaliste au front avait un brassard qui indiquait sa spécificité et lui conférait un statut de respect et de neutralité. Aujourd'hui, dans les conflits du Moyen-Orient, le brassard vous désignerait comme cible potentielle et vous mettrait en danger. On va difficilement sur place et ensuite, c'est compliqué. Ainsi en Syrie, en 2012, on était accueilli à bras ouverts par les rebelles à Bachar el Assad mais six mois plus tard, les réticences étaient nettes car nous étions accusés de n'avoir eu aucune influence sur leur situation vis-à-vis de l'Occident. Entre temps, l'histoire s'était accélérée et la propagande des belligérants rendait la tâche difficile.





G. MALBRUNOT distingue deux types de guerre au Moyen-Orient. Celle de basse intensité entre Israël et les Palestiniens, facile à couvrir sur un territoire modeste avec peu de risques et un accès facile aux sources. Et celles de haute intensité comme en Afghanistan, en Irak ou en Syrie. Là, on a affaire à une guerre asymétrique de l'armée américaine à des groupes de guérilla avec pour les journalistes des risques d'enlèvement contre rançon et des négociations possibles jusqu'à l'arrivée de DAESH. Le journaliste fait partie de la guerre et son enlèvement, c'est le jack-pot en termes d'argent et de notoriété. Les vidéos sont des armes de guerre, des manipulations pour agir sur l'opinion et la presse, par ses comptes rendus, est une tribune extraordinaire et anxiogène. D'où la responsabilité des journalistes dans cette guerre de communication.

D. PERNOT en contrepoint montre qu'en 1914 la couverture des opérations est organisée par l'armée et qu'elle concerne les journalistes mais aussi les écrivains. Pour ces derniers comme Barrès,  il s'agit de faire œuvre plutôt que reportage. Mais l'armée montre ce qu'elle veut bien montrer, ce qui est une forme de censure et participe du bourrage de crâne . Ce qui pose la question du crédit du témoignage. Comme les correspondances sont surveillées, il est difficile d'atteindre une certaine forme de réalité. Barbusse, après la parution du « Feu »en 1916,a reçu une correspondance importante, beaucoup le remerciant de révéler ce que vivaient leurs enfants, leurs maris ou leurs frères. Surtout, en évoquant une escouade, il montrait que dans ce type de guerre il n'y avait plus de héros individuel.




E. GERMAIN, civil au Ministère de la Défense, excuse dans un premier temps, l’absence du colonel Durieux retenu pour des causes professionnelles. Il évoque la guerre indirecte, celle des « zéro mort » avec les drones pilotés par des acteurs loin du théâtre d'opération et hors de tout danger. Ce qui pose des problèmes d'éthique nouveaux, auxquels il s’intéresse. Il précise que si les pilotes des drones, sont bien loin du champ d’opération, il y a un siècle, la grosse Berta l’était aussi. Ce fut également le moment de la naissance de la guerre sous-marine et de la guerre aérienne. On tire sans voir. Il existe outre les drones, les cybers et les forces spéciales, sans oublier la propagande et le renseignement. On peut parler de guerres dont la violence est loin de nos regards, ce qui pose un problème de contrôle démocratique…

G. MALBRUNOT admet que le héros actuel est le terroriste djihadiste, ce qui joue un rôle dans le recrutement d'autant que les valeurs occidentales sont battues en brèche car, mal mises en avant, elles sont contredites par les victimes collatérales des opérations et des bombardements malgré les frappes dites chirurgicales. Il n'y a pas de guerre propre. D'autre part, la diplomatie est peu lisible car la nôtre, par exemple dans le cas de la Syrie, est dans une posture d'incantation, promettant des armes sans les envoyer et apparaissant comme celle d'un acteur marginal. Brandissant le concept d'ingérence et  la morale comme raison de l'intervention, le message a tendance à être brouillé  et peut être taxé d'hypocrisie. De plus, sur place, les militaires sont réticents aux livraisons d'armes à des rebelles car ils tiennent compte de la situation sur le terrain. Ils se méfient des diplomates. 


D. PERNOT précise qu'en 1914 personne ne s'attendait à cette forme de guerre de tranchées et qu'il était difficile d'avoir une vision globale d'une bataille éparpillée sur un front de 800 km. Les communiqués officiels publiés en première page des journaux ne rendaient pas compte de ce qui se passait réellement. Grâce à Maurice GENEVOIX dans « Sous Verdun » les choses ont pu être dites mais son livre est paru avec des pages blanches du fait de la censure. Si les descriptions de cadavres pouvaient passer, il était interdit de porter atteinte au moral des populations et des soldats, de souligner les dysfonctionnements du système de santé, de critiquer les attaques inutiles. 

F. AUBENAS explique que les journalistes s'autocensurent car il n'est pas question de mettre en danger la vie des combattants. En Syrie, il faut choisir son camp et accepter de ne couvrir qu'une partie de la réalité, par exemple celle d'une rue d'Alep seulement, dans le bruit et la fumée sans aucune idée de ce qui se passe ailleurs pendant plusieurs jours. Nous sommes à hauteur d'homme cette journée-là, en tel lieu, avec des combattants souvent peu aguerris qui peuvent se  partager à deux une kalachnikov.

D. PERNOT souligne qu'autrefois la guerre était déclarée dans les formes et que les guerres avaient un début et une fin, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. 



Quelques questions, surtout posées à F. AUBENAS et à G. MALBRUNOT, terminent cet échange intéressant suivi par une salle bien garnie. 
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Ensuite une réception à la Mairie d'Orléans a permis de commémorer le 60e anniversaire de notre association, dont voici quelques photos. Nathalie Kerrien, chargée de la culture, nous accueillit. Jean Nivet lui répondit…