dimanche 6 décembre 2015

Le mythe de Tristan - Relecture et discussion

Le mardi 17 novembre, dans le cadre de nos conférences habituelles au Musée des Beaux-arts, et en prélude à la représentation au C.D.N. du Tristan d’Eric Vigner, nous avons accueilli Frédéric BOYER qui a proposé une Relecture du mythe de Tristan.

Frédéric BOYER
n’est pas un inconnu pour la majorité des budistes, aussi bien les fidèles qui sont à l’écoute de France-Culture où récemment Denis Podalydès a lu : Quelle terreur en nous ne veut pas finir, que ceux qui suivent l’activité littéraire et religieuse.

Frédéric Boyer est en effet à l’initiative de la nouvelle traduction de la Bible parue aux éditions Bayard, ainsi que d’une nouvelle traduction des Confessions de Saint-Augustin, sans parler de son œuvre romanesque propre commencée dès 1991 et qui a connu la notoriété avec Des choses idiotes et douces.

Notre vice-président le plus ancien, Jean NIVET, en présentant le conférencier a rappelé ses nombreux travaux dans des domaines variés, comme par exemple Rappeler Roland, œuvre qui traduit en toute liberté, en même temps qu’elle éclaire d’un jour nouveau la chanson de geste fondatrice de notre littérature. C’est une démarche semblable qui a conduit Frédéric Boyer à relire — avec un regard contemporain — cette légende issue de la tradition orale du monde celtique entrée dans notre patrimoine littéraire au XIIe siècle avec deux versions, celle du Normand Béroul et celle de Thomas d’Angleterre, réunies et retranscrites en  français moderne au début du XX° par Joseph Bédier.

Au lieu de se livrer à l’exercice un peu formel de la conférence traditionnelle, Frédéric BOYER a préféré ouvrir devant nous ce qu’il a appelé son « chantier poétique ». Et de nous donner de larges extraits de sa propre traduction, où le public a pu apprécier à la fois son talent de « diseur » — j’allais dire : trouvère — et celui de «  transcripteur », cherchant à préserver la musique et surtout le  rythme des décasyllabes, tout en gardant une certaine concision (un commentateur parlera d’ « austérité elliptique » ! ) L’exercice de traduction pour lui n’est pas une simple translation, mais plutôt une réappropriation, une véritable ré-écriture, dans le but , selon ses propres termes, de « réaliser un vieux rêve médiéval : une sorte d’entrelangue, entre les écrits d’autrefois et ceux d’aujourd’hui. »



Ce travail de ré-écriture, qui va influer sur l’esprit du traducteur peut faire penser à la théorie de Du Bellay dans sa Défense et Illustration de la langue française où il définit « l’innutrition »: ce travail doit être fidèle à la lettre , mis aussi à l’esprit de l’épopée initiale, et d’abord à tout ce qu’elle contient de violence et de dureté. L’aventure de Tristan et Yseult a sans doute une dimension politique, du fait qu’elle perturbe l’ordre établi, mais aussi elle montre les dangers de la passion en même temps qu’elle décrit la folie des amants exerçant une réelle fascination, fascination que renforce la présence constante d’un univers poétique que le style du traducteur a su rendre sensible.

Notre amour notre désir
Jamais personne n’a pu nous en séparer.
Angoisse peine et douleur
n’ont pu briser notre amour.
On a pu séparer nos corps
mais l’amour on n’a pu
nous en séparer. »

Pour conclure, je me contenterai de citer de mémoire notre vice-Président : « Frédéric Boyer a sans aucun doute fait pâlir les nombreux travaux universitaires à propos de Tristan. Et en échange, il nous a proposé une autre lecture, une lecture qui fait revivre le texte, tout en lui laissant le charme du vieux poème celtique…»