mardi 22 novembre 2016

L'invention du ciel

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L'INVENTION DU CIEL.

C'est sous ce titre qu'Arnaud ZUCKER, professeur de littérature grecque à l'université de Nice et Pascal CHARVET, agrégé de Lettres classiques et ancien inspecteur général, avaient proposé leur conférence du 15 novembre 2016 à Guillaume Budé. Cela faisait référence à leur « Encyclopédie du ciel » parue chez Robert Laffont dans la collection « Bouquins » en mai 2016. En fait, à sa grande surprise, l'auditoire, alors qu'il attendait un duo entendit deux conférences successives dont la seconde sur Alexandre le Grand n'avait rien à voir avec la première qui, elle, répondait au sujet.




En effet, le propos de M. ZUCKER était de présenter l'encyclopédie dont il avait dirigé la publication et, en partant d'ERATOSTHENE (IIIe siècle avant J-C.), de dévoiler ce que le Ciel pouvait représenter pour les Grecs et leurs successeurs sur les quatorze siècles allant d'Hésiode à Isidore de Séville (mort en 636). De nos jours, le ciel s'est banalisé et s'est concrétisé dans la météo, la circulation aérienne, les nouveaux horizons de l'espace et du cosmos. Autrefois, l'imaginaire et la poésie y plaquaient des projections mentales comme la fameuse Grande Ourse. Entre astronomie et astrologie, la séparation n'était pas nette et un savant comme Ptolémée pose une double interrogation, scientifique certes mais aussi interprétative avec de nombreuses explications. À l'époque, les phénomènes célestes ressortent donc de trois domaines : l'astrophysique (calculs de l'écliptique, tables des éclipses, météores),  la mythologie (dans les étoiles sont inscrits de nombreux récits) et l'astrologie ( prévision des saisons et des destinées humaines).




L'Encyclopédie du Ciel est un livre à base de textes souvent peu connus et dans lesquels la poésie n'est pas contradictoire avec la science. Ils décrivent un savoir en train de se mettre en place et se perpétuant jusqu'au Moyen-Age. Ainsi les « Phénomènès » d'Aratos (IIIe siècle avant J.-C.) sont le plus grand ouvrage d'astronomie avant Ptolémée et elles ont suscité une quantité de commentaires. De même pour Méton (Ve siècle avant J-Ch.) qui établit une prédiction pour chaque jour de l'année. Le premier catalogue de constellations se trouve chez Hipparque (-190 à -120 avant J-C.) mais PTOLÉMÉE (90-168) en recense 48 dont il donne pour chacune l'histoire. Pour la Lyre, il cite les 9 mythes qui lui sont rattachés. Les manuscrits médiévaux sont nombreux mais sans grand souci de précision, ainsi pour la Grande et la Petite Ourse même si l'image aide à la représentation. GRÉGOIRE DE TOURS (538-594), lui, veut christianiser le ciel en changeant le nom de la vingtaine de constellations qu'il utilise pour rythmer les prières du mois. Mais sans succès. Dans les œuvres similaires de Julius Africanus et de Fulgence, d'Hygin et de Nonnos de Panopolis, on retrouve toujours cette ambivalence parfois déconcertante entre astronomie et astrologie. 

En conclusion, le conférencier pose la question : à quoi sert cette Encyclopédie ? Il emprunte la réponse à Aristote :« l'intérêt de la culture, c'est que cela ne sert à rien mais que c'est précisément pour cela que c'est essentiel ».


Pascal CHARVET nous plonge dans une autre ambiance en évoquant la construction d'un héros mythique, ALEXANDRE LE GRAND, à la fois conquérant et philosophe soldat, disciple d'Aristote, à la fois admiré et critiqué (« le despote assoiffé de sang »). Le monde n'est plus le même après Alexandre et en 13 ans les changements ont été profonds avec la création du monde hellénistique autour d'Alexandrie. Le mythe d'un souverain de nature quasi divine s'est étendu au loin puisqu'on le retrouve en Roumanie, en Iran et jusqu'en Malaisie par exemple à travers les traces des sabots de son cheval dans la montagne. Il alimente le besoin de rêve des communautés humaines et l'expédition de Bonaparte en Egypte avec sa cohorte de savants se fonde aussi sur une répétition de l'aventure d'Alexandre en ce pays.




C'est Alexandre lui-même qui conçoit sa propre ascension vers la divinité en référence avec les héros de la guerre de Troie. Il incarne en deuxième génération l'héritage sacré de l'Iliade et d'Achille. Et le conférencier pense que l'épisode de l'oasis de Siwa présenté comme une recherche de divinité est une erreur d'interprétation car, possédant la puissance, il est déjà en ces lieux considéré comme le pharaon. Le vol de sa dépouille par les Lagides et l'inhumation à Alexandrie consacrent la succession égyptienne du conquérant.

L'expédition vers l'INDE, « le bord du monde », fait partie de la construction du mythe en nourrissant son imaginaire aux dimensions du monde. Mais Alexandre doit renoncer à pousser au-delà du Gange à cause des résistances locales et surtout de la mutinerie de ses troupes. Il se retire alors trois jours sous sa tente comme Achille après la mort de Patrocle et laisse comme souvenir de son passage une mangeoire, un mors et des armes gigantesques, comme si c'était l'œuvre des dieux, associés à l'inscription « Ici s'est arrêté Alexandre ».

Il a donc organisé son immortalité dans un espace où la culture grecque a reçu un statut supérieur mais sans détruire les autres cultures. Ainsi, l'Egypte a connu une double culture sous les Lagides et en Phénicie, partagée entre la Grande Syrie des Séleucides et l'Egypte, le cosmopolitisme a triomphé (création de nombreuses villes, choix de noms grecs par les personnes, participation aux concours grecs, nombreux philosophes et poètes comme Méléagre écrivant en grec). M. Charvet souligne fortement que cela n'a rien à voir avec la colonisation comme l'ont conçue et exercée les Anglais et les Français ces derniers siècles mais qu'il s'agit ici du goût des populations pour cette culture grecque aux valeurs élevées et aux ressources culturelles variées. Il évoque l'affirmation d'un humanisme méditerranéen et il en découle pour lui la nécessité pressante d'enseigner cette période de l'histoire. Cela fait partie de notre héritage, il faut en prendre conscience mais que constate t-on ? L'amputation actuelle de l'enseignement du grec et du latin ! Il déplore avec passion cette incompréhension au moment où les dieux jaloux et les croisades menacent ce que cette période nous a légué et pour terminer, il en appelle à Camus qui se sentait porteur de toute cette culture méditerranéenne.

L'heure tardive n'a pas permis de donner la parole au public qui pouvait regretter l'absence d'une documentation visuelle auxquels les sujets se prêtaient.


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mercredi 9 novembre 2016

L’Architecture dans la France de Vichy (1940-1944)

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Historien de l’architecture, auteur de multiples travaux sur l'architecture et l’urbanisme du XXe siècle, Jean-Louis Cohen est actuellement professeur à l’Institute of Fine Arts de New York University. Il est également professeur invité au Collège de France depuis 2014. On lui doit de nombreuses expositions sur l’architecture et l’urbanisme, en France comme à l’étranger, notamment "Le Corbusier : An Atlas of Modern Landscapes et L’architecture en uniforme, projeter et construire pour la seconde guerre mondiale pour ne citer que les dernières. Cet enfant de déporté, enquête inlassablement et scientifiquement depuis de nombreuses années sur le destin de l’architecture comme pratique et sur celui des architectes dans cette période trouble de juillet 40 à août 44. 

Notre conférencier nous a donc emmenés dans la France occupée à l’appui d’images commentées et d’une citation évocatrice : (...) Ridicule et menaçant tout à la fois, le pouvoir pétainiste revient à petits coups de phrases comme un cauchemar sinistre et glacé. 
Roland Barthes, in préface de 
Les Pousse-au-Jouir du maréchal Pétain 
de Gérard Miller, 1975.

Tout d’abord, Jean-Louis Cohen a fait remarquer que malgré l’abondante documentation,  notamment les travaux de Robert Paxton sur la réalité du régime de Vichy, la vision que l’on peut avoir sur l’architecture et les architectes reste fragmentaire et assez floue. 
Quelques figures d’architectes sont évoquées cependant : du criminel de guerre que fut Albert Speer à Helena Syrkus travaillant à la reconstruction dans les sous-sol de Varsovie occupée pendant que son mari, prisonnier d’Auschwitz travaille, pour survivre, à la conception du camp. Anatole Kopp, Danièle Voldman, ont travaillé sur la reconstruction des villes, pendant que Le Corbusier était qualifié à la fois de naïf et d’opportuniste, après avoir séjourné, pour un temps avec complaisance dans la ville d’eau. André Lurçat, Gaston Bardet travaillèrent dès 1940 sans sympathie pour le régime à plusieurs plans d’aménagement.
Citoyens, les architectes ont été, comme tels, mobilisés, faits prisonniers, tués ou blessés.

Mardi 7 juin 2016, première conférence de notre association
au FRAC Centre-Val de Loire
Dans le contexte noir de l’été 41, ils sont aussi touchés par l’article du 2e statut des juifs qui stipule que le nombre d’architectes juifs ne doit pas dépasser 2% de l’ensemble de la profession bien que l’application semble avoir été moins violente que pour d’autres professions libérales. Ils sont également victimes des lois raciales. Certains d’entre eux participent à la spoliation des biens en tant qu’experts et perçoivent à ce titre des honoraires.
Leurs profils oscillent entre d’authentiques fascistes ou nazis, tels que Jean Boissel, des parlementaires pro-Pétain, comme Raoul Brandon, des résistants comme Jacques Woog, Fernand Fenzy, Pierre Vago ou Roger Ginsburger, et des victimes des persécutions comme Emmanuel Pontremoli (architecte de la villa Kerylos à Beaulieu-sur-mer) et André Jacob, mort à Auschwitz.
Dans un contexte économique déprimé, il est évident que les conditions de travail sont difficiles pour la profession mais il est vrai aussi que certains architectes exercent leur métier et que ce sont dans leurs expériences que se forgea le triomphe de la modernité après 1945.
Ces professionnels savent dessiner, construire, organiser et s’organiser et faire preuve d’imagination. Par exemple, lorsque 480 architectes et étudiants en architecture sont prisonniers en 1940 Henry Bernard (l’architecte qui construira plus tard la Maison de la Radio) obtient qu’ils soient tous regroupés en Prusse orientale créant ainsi dans le camp de Stablack un atelier d’architecture, une sorte d’école des Beaux Arts en exil.

Le savoir faire des architectes va s’exercer essentiellement à l’étranger mais parfois en France et ceci dans de nombreux domaines qui ouvriront la voie au progrès et à l’innovation moderne. Le premier aspect touche le domaine industriel qui va prendre essor en quelques années à partir de 1939. Citons par exemple le Tank Arsenal de Chrysler à Detroit aux États-Unis (construit par Albert Kahn), ou l’extension des usines Peugeot de Sochaux, en France, devenues des filiales de Volkswagen et qui font écho au modèle de l’usine-mère de Wolfsburg en Basse Saxe,

Le deuxième aspect touche la construction de logements ouvriers au contact des usines - essentiellement aux USA et en Allemagne, car en France le ciment et l’acier sont réservés aux chantiers allemands, qui permettra une incontestable modernisation de l’habitation. Des architectes comme Joachim Richard, adepte du béton armé, sont engagés dans la guerre aérienne et construisent des abris pour protéger les civils des bombardements. Des Allemands opérant en France comme Bernard Pfau élaborent des structures légères inventives pour assurer le camouflage des canaux où circulent les fusées nazies, afin de leurrer les aviateurs alliés.

Autre composante fondamentale de l’économie de guerre, le recyclage est préconisé dans tous les pays : il faut utiliser tout ce qui peut brûler ! Jean Prouvé travaillera à Nancy à la construction d’un fourneau permettant de brûler les combustibles les plus médiocres. Et pour compenser l’acier réservé à la construction navale et à l’artillerie, l’invention de la colle phénolique sera à l’origine de l’utilisation du bois lamellé-collé. 
Cette période verra aussi apparaître des méga-projets tels que le Pentagone à Washington, ou l’usine de séparation isotopique d’Oak Ridge dans le Tennessee.


La normalisation des dimensions, à laquelle s’attelle l’AFNOR, que Boris Vian a évoquée de façon comique dans son roman Vercoquin et le Plancton, et la préfabrication sont largement développées. Elles permettront des fabrications en série de baignoires, de lavabos, de portes ou de fenêtres. Elle se couple avec les recherches sur la préfabrication, qui conduiront, du côté allié à l’invention de ports artificiels utilisant des composants industrialisés, qui assureront la réussite du débarquement en Normandie.

Ainsi une des conséquences des préoccupations de la France de Vichy sera le développement de la modernité dans le champ de la construction. Jean-Louis Cohen insiste sur sa thèse selon laquelle la guerre a provoqué et accéléré les changements dans la sphère du logement. Après avoir resitué le régime de Vichy dans son contexte géographique et historique le conférencier utilise, pour le qualifier, les mots « autoritarisme » (pas d’opposition aux projets mais manque de moyens), « charismatique » (qui repose sur la figure du chef) et « technocratisme » (règne des ingénieurs sans contrôle) ? 
Il précise que la politique de reconstruction, dès 1940, est différente de celle qui a été mise en œuvre après la Première Guerre mondiale. Le Secrétariat d’État aux Beaux-Arts confié à Louis Hautecoeur devient un appareil d’État efficace, tandis que la loi de 1943 consacre un pouvoir direct de l’État central sur la politique de reconstruction et l’urbanisme, qui ne sera pas mis en cause à la Libération. 
La présence allemande dans l’architecture est très forte puisque les occupants contrôlent la production du bâtiment au travers de l’interdiction des chantiers civils et la presse par le contrôle du papier et l’utilisation de la censure. La politique allemande conduit à l’expulsion des paysans en Lorraine pour construire des bâtiments agricoles modernes destinés à des paysans importés de Roumanie. La destruction du quartier du vieux port à Marseille en 1943 correspond à un autre aspect de la politique raciale du Reich, frappant ce que les nazis considèrent comme un foyer de «  contamination » de l’Europe. 

La position ruraliste et conservatrice de Vichy ne se retrouve pas dans tous les aspects de la politique de l’architecture. Les projets pour les villes des vallées de la Loire et de la Seine ont des dimensions innovantes, comme ceux de Gaston Bardet à Louviers. Plusieurs études et projets apparaissent aussi, comme celui du boulevard circulaire autour de Paris qui donnera naissance au boulevard périphérique. Le seul projet partiellement engagé sera au demeurant la création de centres sportifs dans la zone de la ceinture de Paris déclarée insalubre.

Pour conclure ce très intéressant exposé, Jean-Louis Cohen rappelle que c’est dans cette période de grande complexité que se forme l’appareil de la reconstruction française, appareil qui sera celui des « Trente glorieuses », et que s’engage, en dépit des idées reçues, la modernisation du goût architectural du public.


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vendredi 4 novembre 2016

La démocratie : nécessités et limites

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Ce 27 octobre 2016, notre Association reçoit Michel WIEVIORKA, le sociologue bien connu, habitué de la radio et de la télévision. Il a choisi de nous entretenir d'un sujet qui concerne notre société actuelle en mettant le doigt sur les doutes et les difficultés de la démocratie.

Il prend comme point de départ les dissidents qui résistaient dans les années 60-70 au totalitarisme soviétique et le mouvement de Solidarnosc en Pologne (1980-81). La démocratie alors, c'était le Bien contre le Mal, elle allait de soi contre la dictature, la célèbre formule de Churchill faisait consensus. En 1989, à la chute du Mur, Fukuyama pouvait croire à la « fin de l'Histoire » par universalisation de la démocratie. On ne voulait plus de la violence ni de la révolution.

Or, il est apparu depuis que la démocratie montrait des carences face à  certains problèmes que le conférencier passe en revue. 

D'abord, au plan économique, la question du chômage. Le modèle des Trente Glorieuses avec le plein emploi est battu en brèche avec un cortège de violences et des problèmes de banlieue. Même dans l'ex-URSS où l'emploi mal rémunéré était cependant assuré, cela déclenche de la nostalgie envers l'ancien régime. 

La question des particularismes et des minorités entraîne des revendications territoriales ou même celle d'indépendance (Écosse). En cas de référendum, qui faire voter ? Uniquement les Écossais ou tous les Anglais ? Pareil pour la Corse ou la Catalogne. Le cas était identique pour la consultation sur l'aéroport de N-D. Des Landes, ce qui induit la contestation selon les résultats. Au Canada, dans les années 60, le bilinguisme avait été demandé par les Québécois (« Vive le Québec libre ! ») mais la Commission royale avait réagi en défendant le multiculturalisme au nom des intérêts des Indiens, des Inuits, des émigrés allemands ou ukrainiens, des nouveaux migrants. Chez nous, on n'arrive pas à en parler (mouvement breton, arménien, juif, affaire du foulard, statistiques ethniques). Le problème n'est pas simple, car la reconnaissance peut faire peser une menace sur l'unité nationale : il y a un enjeu culturel et religieux. Mr Wieviorka opte pour un multiculturalisme modéré.

Nos démocraties sont aussi victimes d'un épuisement du modèle classique « droite-gauche ». Ainsi en Autriche, aux dernières élections présidentielles, se sont affrontés un écologiste et un représentant de l'extrême-droite. L'effondrement du modèle communiste et le déclin de la social-démocratie et de l'État-Providence (sauf en Allemagne où les syndicats sont forts) favorisent la montée du populisme même à l'extrême-gauche. Mais on assiste aussi au rejet pur et simple de la politique et à la poussée de l'abstention (« Il n'y a pas d'homme politique qui me convienne »). Rendre le vote obligatoire, est-ce la solution ? 

Alors, y a-t-il un espoir pour résoudre ces difficultés ?   

M. Wieviorka évoque le cas espagnol du Mouvement des Indignés, spontané et utilisant les réseaux sociaux, qui donne naissance en 2014 à un nouveau parti politique, Podemos, obtenant de nombreux sièges aux  élections. C'est une force nouvelle à gauche, sociale et citoyenne. À droite, Ciudadanos lui fait pendant, venu aussi d'une plate-forme citoyenne. Assiste-t-on à un renouvellement de la démocratie et va-t-on vers la disparition des vieux partis ?

D'autres formes sont possibles comme la démocratie délibérative où ce sont les citoyens qui réfléchissent, aidés des experts et des politiques, par exemple sur la question des OGM. La démocratie participative a été expérimentée à Porto Alegre en 2001, une partie du budget municipal étant affecté aux projets des citoyens. Ségolène Royal en avait fait un de ses thèmes de campagne en 2007. La démocratie directe par referendum doit être considérée avec prudence, car les résultats peuvent en être pervers. Ainsi le Brexit dont le succès a été fondé sur des arguments mensongers. La votation suisse peut faire fausse route quand elle prend des verdicts contraires aux statuts du Conseil de l'Europe auquel le pays appartient. En Colombie, un référendum a rejeté l'accord de paix avec les FARC à cause de l'exigence de justice de la population envers les responsables de la guérilla.

Le conférencier en vient aux menaces qui planent sur la démocratie comme l'arrivée au pouvoir d'une force xénophobe ou comme le terrorisme. La tendance du pouvoir exécutif serait alors de s'emparer du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire. L'État de Droit pourrait être contesté au nom de l'efficacité. 

La démocratie est donc peu faite pour régler certains problèmes mais y a-t-il meilleur régime ? En conclusion, Mr Wieviorka met en lumière le décalage dans l'espace entre la démocratie propre à l'État-Nation et l'économie mondialisée. Ce qui oblige à la constitution d'espaces régionaux plus larges, genre Europe. La cosmopolitisation du monde force à penser à l'échelle globale. Mais comment articuler ces niveaux ?

Questions :
  • Sur les primaires, pour lesquelles le conférencier a lancé un appel avec Cohn-Bendit, il répond qu'ils les concevaient comme des débats citoyens, ce qu'elles ne sont pas devenues. 
  • Devons-nous imposer la démocratie comme en avaient l'intention les Américains en Irak ? Certes une partie du monde est en chaos ou sous régime autoritaire, mais cette démarche procède d'un mode colonial dépassé et contesté. Seul le Japon s'est vu imposer avec succès la démocratie après la fin de la guerre. Il faut plutôt réfléchir à ce qui pourrait permettre dans ces pays la démocratie dans 20 ou 30 ans. 
  • La démocratie ne peut-elle pas être détournée par les hommes politiques ? Certes, mais elle a le mérite de remplacer la violence en institutionnalisant les conflits.

Les applaudissements remercient le conférencier de son engagement citoyen dans la veine de l'humanisme de Guillaume Budé.