jeudi 26 janvier 2017

Les chemins de la création

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Jeudi 8 novembre, l’Association Guillaume-Budé a proposé à ses adhérents une rencontre des plus originales. L’interview de deux artistes orléanais ; Josef Nadj et Arthur Nauziciel. L’un plasticien, chorégraphe, directeur du Centre Centre Chorégraphique National d'Orléans, l’autre comédien et directeur du Centre Dramatique National Orléans/Loiret/Centre-Val de Loire. Tous deux en fin de contrat et en partance sous d’autres cieux. L’entretien fut mené adroitement par Catherine Malissard. L’amitié qu’elle cultive avec ces figures de la scène contemporaine, sa connaissance approfondie de leur œuvre  a permis un échange ouvert et détendu. Une question sur l’enfance et les années d’adolescence nous a permis de comprendre leur parcours. Signe commun à ses interlocuteurs : un éveil précoce à la vie artistique, vécu comme un appel à se réaliser dans ce domaine.

Josef Nadj, Hongrois, natif de Kanidja rappelle que, dès l’école primaire, il fut « enfant prodige », en matière de dessin. Puis ce fut l’université de Budapest encore sous tutelle communiste où il s’ennuie. « Il faut que je parte » sera l’un des leitmotivs de sa vie aventureuse. Bientôt son installation à Paris et sa rencontre heureuse avec le mime Marceau lui ouvrent la voie recherchée. Adepte de la lutte sportive dans son pays, il se consacre à la danse et crée des spectacles novateurs et puissants qui l’ont fait connaître dans le monde entier. Ses influences sont multiples. Attiré par la poésie, la culture orientale et la philosophie, Josef Nadj est un grand lecteur. De tous les textes dont il se nourrit, il crée sur scène des espaces métaphysiques habités par une musique choisie qui donne rythme à des ballets qui exigent des danseurs d’entrer en osmose avec son univers de chorégraphe. Il affirme se nourrir des différentes cultures du monde. Pourtant son travail artistique le montre profondément ancré dans le terreau de son pays natal, la Voïvodine qu’il ressuscite à travers des personnages et des espaces intimes qui l’ont frappé, il explique que chacune de ces spécificités de plasticien, de photographe, sculpteur, dessinateur et chorégraphe exige un engagement total d’où des investissements successifs. Nous en avons un récent exemple avec l’exposition d’une série de beaux Cyanotypes exposés au musée d’Orléans. « Je veux inventer » est l’une de ces phrases typiques de sa géniale personnalité.
À la demande de Catherine concernant son opinion sur la ville d’Orléans après 25 ans de résidence, Josef Nadj évoque ses balades citadines de promeneur solitaire, son intérêt pour l’histoire locale, les cryptes des églises romanes, car il aime les espaces fermés et l’au-delà inconnu. Après ces années de pratique chorégraphique, Josef Nadj prépare un nouveau départ : il veut écrire et mettre en scène une pièce de théâtre sur l’impossibilité de rentrer chez soi. Il nous quitte, mais nous savons heureusement que nous pouvons le retrouver à Paris, confronté à de nouveaux défis artistiques, enrichi par cette expérience orléanaise.  

Arthur Nauzyciel se prêta au jeu de l’interview avec l’aisance d’un comédien chevronné.  Contrairement à ce que vécut J. Nadj, il se reconnaît pur produit de la démocratisation culturelle et rappelle son goût enfantin pour la manipulation des marionnettes.  Il souligne surtout le rôle éducatif du théâtre à l’école, insiste sur sa rencontre avec Antoine Vitez, metteur en scène exigeant qui lui donna le goût des textes contemporains et le poussa sur scène. Devenu acteur, Il arpenta les plateaux de Chaillot, de La Cartoucherie, des Amandiers avant de se consacrer au CDN de notre ville. Il décline ses réflexions sur le processus de création qui l’a mené au travail de mise en scène. Lui non plus n’aime pas les frontières, se sent bien partout, car il s’enrichit humainement du mélange des nationalités et des techniques utilisées sur les scènes du monde. C’est pourquoi il choisit de faire entendre des auteurs étrangers dans leur langue originale. Choix qu’il revendique parce qu’il le voit comme une promesse d‘enrichissement personnel du spectateur. Le public fait de nombreux lycéens, est ainsi poussé à faire l’effort de comprendre l’autre au fil de son idiome national. Il justifie les sous-titres car cela doit interroger le spectateur ! Il voit dans cette démarche, une forme d’engagement, une mission d’intérêt public. Il fréquente beaucoup de metteurs en scène contemporains de toute nationalité, évoque les auteurs, qui l’ont inspiré tant français qu’étrangers : de Shakespeare à Molière, de Strinberg à Tchechov, Thomas Bernhard, récemment une pièce de Fassbinder qu’il a fait jouer en langue slovène. Monde sans frontière qui le mène tous azimuts. À la demande de Catherine touchant au souvenir qu’il gardera de son séjour orléanais, Nauzyciel répond d’emblée « les gens ». Il évoque les relations de sympathie avec son équipe, avec les cercles associatifs, dont le CERCIL et « Les Budé ». Il félicite le public orléanais qu‘il a conquis peu à peu, plein de curiosité, parfois choqué, mais fidèle aux rendez-vous sur les beaux plateaux de scène de la ville johannique. Celle-ci marquera une belle étape dans son parcours exemplaire de metteur en scène imaginatif qui le met aujourd’hui aux commandes du très convoité Théâtre National de Bretagne de Rennes.


Deux hommes, deux fortes personnalités, deux créateurs que nous avons eu le plaisir d’accompagner pendant des années. L’un, Josef Nadj met à jour un univers d’une surprenante beauté née de ses songes, l’autre, Arthur Nauzyciel, fidèle gardien du temple voué à la scène, nous aide à comprendre le monde dans lequel nous vivons.

Nous avons vécu ensemble une belle aventure.


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